Dans la pathétique querelle familiale du front national toute la médiasphère présente Jean-Marie Le Pen comme le créateur du mouvement. Il faut le reconnaître : beaucoup le pensent.

Et pourtant ce n'est pas le cas.

Un peu d'histoire s'impose.

Dans les années soixante des étudiants de la fac de droit d'Assas (aujourd'hui Panthéon-Assas) se regroupaient dans le mouvement Occident. Leur ciment, l'allergie à la démocratie, la fascination de la violence, le maniement de la barre de fer. Leur but, abattre le régime gaulliste honni pour son « abandon de l'Algérie ».

Beaucoup de ces étudiants sont aujourd'hui célèbres. Ils ont eu l'opportunisme d'abandonner la violence pour leurs études après la dissolution de ce mouvement en 1968. On citera Gérard Longuet, Alain Madelin, Claude Goasguen, Patrick Devedjian...Mais oui !

Il est plus rentable d'intégrer les institutions de la République plutôt que de l'abattre.

D'autres, plus ancrés dans leurs idées, ou plus maladroits dans la réussite, continuèrent le chemin de l'extrême droite. Ainsi Alain Robert* (rien à voir avec le French Spiderman) va bientôt s'imposer comme le chef d'un nouveau mouvement qui remplacera Occident. Ainsi naquit Ordre nouveau. C'est ce mouvement, auquel Jean-Marie Le Pen est étranger, qui créera le Front National.

Ce sont Alain Robert et François Brigneau** qui fondèrent le front national en 1972, avec la participation active de François Duprat, autre passionné d'extrême droite. Car nous sommes bien dans cette mouvance-là, en marge ou dans le fascisme pour la majorité d'entre-eux.

Et pendant ce temps-là Le Pen ?

Après sa période d'engagé volontaire (et tortionnaire ?) en Algérie, alors qu'il avait été élu en 1956, et plus jeune député de France, sous l'étiquette poujadiste, rallié au Centre national des indépendants et paysans, Jean-Marie Le Pen sera ensuite aux côtés de Jean-Louis Tixier-Vignancour, candidat à l'élection présidentielle de 1965, comme directeur de campagne. Il s'en éloignera déçu tant par les résultats de l'homme à la voix d'airain que par son appel à voter François Mitterrand.

Il envisage , un temps, de quitter la vie politique. Il crée une entreprise d'édition de disques qui réédite les musiques du ….3ème Reich ! Il hante Pigalle et fréquente des parrains du milieu***. Il navigue à la Trinité sur Mer, dont il est natif, avec le Vicomte …....Olivier de Kersauson et Éric Tabarly aussi de la Trinité.

Ses fréquentations professionnelles sont souvent d'anciens collaborateurs. Mais choisir des collaborateurs comme collaborateurs ne s'impose-t-il pas ? N'est-ce pas le cas de Léon Gaultier ancien Waffen SS ? N'est-ce pas celui de Victor Barthélémy ancien du PPF de Doriot ?

Mais il revient peu à peu à la politique. Il s'est déjà fait un nom comme plus jeune député. On l'a beaucoup vu avec son bandeau sur l'oeil droit (ou gauche, le débat est ouvert) pendant la campagne de Jean-Louis Tixier-Vigancour.

Dans le même temps, Alain Robert conscient de ses défauts (il n'est pas à l'aise comme orateur), conscient de la nécessité de se sortir de la marginalité, désireux de préparer les élections de 1973, fait appel à cet homme à l'expérience électorale plus « respectable » et dans le système qu'il abhorre aujourd'hui. C'est sous les conseils de François Duprat que cela se fit. Beau parrainage !

Voilà comment Le Pen dirigea, dès sa création, le parti qu'il ne créa pas.

Le doit-il à son habilité politique ?

Ce que nous savons c'est que cette habilité lui permit d'en conserver la tête et de le transformer en entreprise familiale.

Mais ça c'est la saga des Le Pen.

À suivre sur CABRINATOR.

* Alain Robert : il fut membre de la fédération des étudiants nationalistes, membre d'Occident, dirigeant du Groupe Union Défense (le GUD) puis d'Ordre nouveau. Actuellement, assagi, il est conseiller régional UMP.

* *François Brigneau : pendant l'occupation, membre du Rassemblement National Populaire de Marcel Déat. Il intégra la miice en 1944.

*** Henri Botey « Monsieur Éric » ou « l'empereur de Pigalle » ou encore « Rase-motte » car le milieu n'est pas avare de surnoms cocasses.